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S'habiller
La conservation des vêtements préhistoriques est exceptionnelle et ne concerne que des périodes récentes, comme avec « l’Homme des glaces » appelé aussi «Ötzi », une momie de la fin du Néolithique trouvée congelée dans un glacier des Alpes italiennes en 1991. Des représentations de vêtements tissés sur des stèles gravées, en Suisse, datant de la fin du Néolithique, témoignent aussi de l’utilisation de vêtements.
Cependant, malgré le peu de témoignages directs, on peut prétendre sans guère de risques que les origines du vêtement remontent au minimum à la colonisation de l’Europe de l’Ouest par les ancêtres des néandertaliens il y a plus de 500.000 ans. En effet, si les premières implantations humaines en Europe méridionales, il y a plus de 1,2 millions d’années, ont pu avoir lieu durant des périodes interglaciaires par des groupes vivant nus, le peuplement de contrées plus septentrionales durant les épisodes les plus froids semble impensable sans un recours à l’habillement.
Les aiguilles à chas
Le plus ancien témoignage indirect de la confection de vêtement est l’aiguille à chas en os dont la plus ancienne, trouvée en Sibérie en 2016 et datée de 45 000 ans, aurait été produite par l’Homme de Denisova, contemporain des néandertaliens européens. Plusieurs exemplaires du Paléolithique supérieur ont été trouvés en Europe de l’Ouest dont deux en Ardèche. Leur finesse laisse à penser qu’elles servaient à assembler des peaux en passant un fil dans des trous pré-percés avec un perçoir en silex ou un poinçon en os.
Aiguille à chas de la fin du Paléolithique supérieur.
Grotte du Colombier.
Vallon-Pont-d’Arc. Ardèche
Perçoir en silex du Paléolithique supérieur. Site de la Rouvière. Vallon-Pont-d’Arc. Ardèche
Poinçon en os du Paléolithique supérieur. Baume d’Oulen.
Labastide de Virac. Ardèche
Il s’agit d’un outil élaboré en plusieurs étapes faisant chacune appel à un outil de pierre différent : burin de silex pour l’extraction d’une baguette d’os ; lame de silex pour sa régularisation ; polissoir en grès pour son appointage ; perçoir en silex pour le perçage du chas.
Différentes étapes de fabrication d’une aiguille à chas :
Extraction d’une baguette d’os par rainurage au burin de silex
Régularisation de la baguette à l’aide d’une lame de silex
Mise en forme de la pointe sur un polissoir en grès
Burin de silex du Paléolithique supérieur. Grotte d’Ebbou.
Vallon-Pont-d’Arc. Ardèche
Lame de silex du Paléolithique supérieur. Baume d’Oulen.
Labastide de Virac. Ardèche
Perçage du chas au perçoir de silex
Si l’os a été le matériau de prédilection pour réaliser des aiguilles, les bois de cerf ou de renne ainsi que l’ivoire de mammouth ou de mammifère marin ont pu être utilisés.
La peau, les tendons, les boyaux
Aucun vestige d’objets réalisés dans ces matériaux n’a été retrouvé pour la période paléolithique. Cependant les observations ethnologiques, notamment concernant des peuples du Nord de l’Europe (Lapons), de l’Asie (Dolgans, Uelens, Yakoutes…), et d’Amérique du Nord (Inuits), permettent d’imaginer comment nos ancêtres confectionnaient leurs vêtements à l’aide de ces matériaux issus des animaux.
Évocation de travaux de couture au Paléolithique supérieur. Dessin B. Clarys
Tendon actuel séché
Évocation de la tenue d’une femme et d’un enfant du Paléolithique supérieur. Dessin B. Clarys
Fil de tendon actuel
Si la peau de renne munie de ses poils constituait un excellent isolant, la peau épilée découpée en lanière pouvait aussi servir de lien.
Le filage et le tissage
Il est délicat de dire quand a commencé l’exploitation de la laine car nous n’en retrouvons que des vestiges indirects. Ces derniers, les fusaïoles, ne deviennent courants qu’à partir de la deuxième moitié du Néolithique. Il est probable qu’aux origines, les longs poils, les jarres, étaient récupérés par peignage lors de la mue. Plus tard, on a pu sélectionner des animaux produisant plus de laine et les tondre.
Les fusaïoles, des disques en terre cuite ou en pierre, servaient à lester un fuseau pour qu’il puisse tourner longuement sur lui-même après avoir été entraîné à la main. En étirant une poignée de poils à la main puis en l’enroulant autour du fuseau, on les transforme en fil. Celui-ci finit par être beaucoup plus long que la longueur des poils car, hérissés d’écailles, ces derniers s’accrochent les uns aux autres pour ne former qu’un seul fil.
Le fil peut être ensuite tissé pour produire des étoffes. Là encore il est difficile de dater les premiers tissus par manque de témoins directs ; néanmoins des vestiges trouvés en bordure de lacs, des représentations dans des œuvres pariétales ou sur des stèles, ainsi que l’exceptionnelle découverte de « l’homme des glaces » à la frontière italo-autrichienne, permettent d’affirmer que le tissage était une activité courante à la fin du Néolithique. Cependant, tous ces vestiges concernent des fibres végétales, liber de tilleul et de chêne et, plus rarement, fibre de lin. Des gravures en Italie (Val Camonica) et des données ethnologiques permettent de proposer des reconstitutions de métier à tisser vertical. Des galets encochés comme ceux utilisés sur cette reconstitution ont été découverts dans certains sites ardéchois. Ils peuvent être interprétés comme des poids pour lester les fils de chaîne mais aussi comme des lests de filets de pêche.
Il est vraisemblable que les fils étaient teintés à l’aide de teintures végétales comme la garance ou de pigments minéraux comme l’ocre. Certaines gravures semblent le suggérer mais il n’en reste aucune trace.
Reconstitution d’un métier à tisser vertical néolithique