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Se nourrir

Il est difficile de reconstituer l’alimentation des hommes préhistoriques, surtout pour les périodes anciennes, car l’archéologie livre peu de restes alimentaires.
Néanmoins, les restes osseux des animaux consommés, la dentition et les traces d’usures qu’elle présente, de minuscules débris inclus dans le tartre dentaire ainsi que la composition chimique des dents et des os permettent, parfois assez précisément, de reconstituer la diète de nos ancêtres.
Ces études portent souvent sur un petit nombre d’individus ce qui a pour inconvénient de masquer une grande diversité dans les comportements alimentaires, en fonction de la situation géographique, des variations climatiques et des traditions culturelles.

La chasse

Les origines de la chasse

Les premiers représentants du genre humain se nourrissaient encore majoritairement de végétaux mais la part de la viande avait augmenté par rapport aux australopithèques. Ils pouvaient attraper de petits animaux ou pratiquer le charognage, c’est-à-dire récupérer de la viande sur les carcasses de gros herbivores tués par d’autres prédateurs. En suivant ces derniers et en les faisant fuir juste après la mise à mort de la proie ils pouvaient bénéficier de viande fraiche.
L’Homo erectus, adapté à la course et développant un outillage en pierre plus sophistiqué, est vraisemblablement le premier dont l’alimentation carnée surpasse l’alimentation végétale.

Les néandertaliens et leurs ancêtres

En Europe, les premières armes de chasse sont attestées avec les prénéandertaliens . Ainsi, ont été retrouvés, dans la mine de lignite de Schöningen en Allemagne, des javelots en bois, profilés pour le lancer. La découverte d’objets en bois aussi anciens est exceptionnelle mais cette époque, le Paléolithique moyen, a livré aussi de très nombreuses pointes en silex taillées selon la méthode « Levallois » qui semblent être des pointes de projectile.

Pointe de projectile taillée à partir d’un éclat Levallois. Abri du Maras. Saint-Martin d’Ardèche

Javelot expérimental en bois d’if, semblable aux javelots de Schöningen

Au Paléolithique moyen, les armes encore assez lourdes nécessitaient des stratégies de piégeage, d’approche, d’affut et de rabattage afin de pouvoir   approcher les animaux d’assez près pour pouvoir les tuer.

Scène d’approche du gibier au Paléolithique moyen. Dessin B. Clarys

L’homme moderne

Au Paléolithique supérieur, le débitage d’éclats allongés, les lames et lamelles, se généralise. À partir de ces éclats bruts, toute une panoplie de pointe de projectile va être produite ; les formes variant dans le temps et l’espace en fonction des différentes cultures . Ces armatures fines, légères et perforantes équipaient de fines lances appelées « sagaies ». Si elles ont pu être lancées à la main, elles peuvent aussi avoir été lancées au propulseur : bâton en bois ou en os muni d’un crochet en os, il permet de démultiplier le mouvement du bras et de pousser la sagaie après l’avoir lâchée. La distance maximale de tir passe d’environ 100 m à plus de 200 m. Seule une centaine de propulseurs paléolithiques ont été retrouvés ; les plus anciens sont datés d’environ – 18 000 ans.

Fac-similé de sagaie

Fac-similé de propulseur

Divers types de pointes de sagaies du Paléolithique supérieur. Photo A. Dubouloz

Séance d’initiation au tir au propulseur à la Cité de la Préhistoire

Les proies

Durant les périodes tempérées, où la forêt se développait, les animaux chassés étaient essentiellement des herbivores vivant en petites hardes : cerfs, aurochs, chevreuils… Durant les périodes froides c’était surtout des grands troupeaux se déplaçant dans la steppe  : bisons, rennes, chevaux… Dans les zones escarpées comme les gorges de l’Ardèche, le bouquetin et le chamois pouvaient devenir des proies de choix. De nombreuses petites espèces étaient aussi chassées ou piégées : lièvres, marmottes, oiseaux…
En revanche, si la chasse au mammouth est attestée en Europe centrale et en Amérique, elle restait exceptionnelle au vu des difficultés et des dangers qu’elle occasionnait. Le « piège à mammouth » creusé dans le sol n’est pas réaliste car cet animal ne vivant que dans des environnements très froids, le sol était vraisemblablement durci par le gel (pergélisol). L’ivoire utilisé parfois pour réaliser des outils, des bijoux ou des figurines a pu être récupéré sur des animaux déjà morts.

Récupération de matériaux divers sur un mammouth mort naturellement. Dessin B. Clarys

Les ressources animales

Après l’abattage, une grande variété d’outils a été créée pour récupérer les matières dont les hommes avaient besoin : viande, os , peau, tendons , boyaux et graisse. Éclats, lames, racloirs et grattoirs permettaient le prélèvement des matières et leur traitement.

L'arc

Si la date de l’apparition de l’arc reste débattue, il est probable qu’elle remonte au Paléolithique supérieur. Il se généralise cependant à partir du Mésolithique, semblant mieux adapté au couvert forestier qui se développe à cette époque. La plupart des flèches de cette époque sont armées avec de toutes petites armatures appelées microlithes

Armature de flèche microlithique du Mésolithique. Baume de Ronze. Orgnac-l’Aven. Ardèche

Évocation d’un chasseur mésolithique. Dessin B. Clarys

Au Néolithique, La chasse perdure malgré l’apparition de l’élevage en proportion variable selon les époques et les lieux. L’arc est couramment utilisé et donne lieu à une production de pointes de flèches très diversifiée.

Évocation d’un chasseur néolithique. Dessin B. Clarys

Évolution des formes d’armatures de flèche au cours du Néolithique

 

La pêche

Peu de vestiges de cette activité nous sont parvenus du Paléolithique. Les harpons en os pouvaient probablement aussi servir à la chasse. Quant aux restes de poissons, ils sont très fragiles et se conservent mal.
Les vestiges néolithiques sont un peu plus abondants : hameçon droit ou courbe, vertèbres de poisson.

Hameçon droit. Grotte de Saint-Marcel-d’Ardèche

Hameçon courbe sur dent de porc ou sanglier. Grotte du Déroc. Vallon-Pont-d’Arc. Ardèche. Photo B. Dupré

Vertèbre de poisson. Baume de Ronze. Orgnac-l’Aven. Ardèche

Des galets encochés trouvés dans une grotte située en bordure de rivière ont été interprétés comme des lests de filets mais ils peuvent aussi être des lests de fils de chaine dans un métier à tisser.

Reconstitution d’un filet de pêche lesté avec des galets de schiste encochés

La cueillette

Pour le Paléolithique, les vestiges de cueillette se limitent à des témoignages indirects somme des grains d’amidon intégré à l’émail dentaire ou les proportions de certains éléments chimiques. Il est cependant vraisemblable que les humains ont toujours consommé des végétaux en proportion variable en fonction du climat, des saisons, des déplacements et des habitudes culturelles.
Au Néolithique, malgré l’apparition de l’agriculture , la cueillette a perduré au même titre que la chasse malgré l’invention de l’élevage . Dans des sites où les conditions de conservation sont exceptionnelles, comme le lac de Charavines en Isère, des restes de noisettes, mures, prunelles, physalis… attestent l’exploitation des végétaux sauvages.

Évocation d’une scène de cueillette de pommes sauvages au Néolithique. Dessin B. Clarys

L’agriculture

Les origines de l’agriculture

Vers – 12 500, au Proche-Orient, apparaissent les premières populations sédentaires, les Natoufiens. Puis, à partir de – 9000 ans, toujours dans le Croissant fertile, c’est le tour des premières formes végétales et animales domestiques. Enfin, vers – 6500 ans, ces premiers groupes néolithiques commencent à produire les premières poteries en argile cuite. Peu-à-peu, entre – 8000 ans et – 6000 ans, des populations proche-orientales migrent vers l’ouest en diffusant la culture néolithique ainsi que les plantes et animaux domestiques. Le mode de vie néolithique, la poterie et les premières espèces domestiques, apparaissent ainsi vers – 5800 ans dans le midi de la France et vers – 5200 ans dans le bassin de Paris. Il semble que jusque vers -4500 ans perdurent, çà et là, des populations de chasseurs – cueilleurs de tradition mésolithique.

Le défrichage

Confrontés à un territoire entièrement couvert de forêts, les premiers agriculteurs européens ont dû défricher la forêt. En l’absence de métal, ils ont utilisé des haches armées de lames en pierre polie, plus résistantes aux chocs que les lames en silex taillé. Ils ont donc commencé à modifier leur environnement en remplaçant certaines parcelles forestières par des champs. En l’absence de fertilisation, le sol forestier originel s’épuise en quelques années ce qui les oblige à ouvrir de nouveaux champs régulièrement. Une petite communauté peut ainsi avoir un fort impact sur la forêt. Ceci peut les amener à abandonner leur habitat lorsque les terres cultivables sont trop éloignées. La sédentarité est donc encore relative.

Évocation d’une communauté agricole de la fin du Néolithique. La parcelle la plus proche de la forêt a été récemment défrichée. Celles qui sont les plus proches de l’habitat ont été abandonnées. Elles sont envahies par de l’herbe et des buissons. Dessin K. Bazot

Les plantes cultivées

Les premières plantes cultivées en Europe de l’ouest sont importées du Proche-Orient, Ce sont principalement des céréales comme le blé engrain et des légumes secs comme les lentilles.

Engrain, Triticum monococcum. Dessin B. Clarys

Lentille, Lens culinaris. Dessin B. Clarys.

La moisson

À maturité, les épis étaient moissonnés avec des faucilles et des couteaux à moissonner équipés de lames en silex taillé.

Évocation d’une scène de moisson au couteau à moissonner. Dessin B. Clarys

Fac-similé d’une faucille courbe armée de lamelles de silex. Photo A. Dubouloz

Lamelle de silex ayant servi à armer une faucille. Grotte Chevalier. Grospierres. Ardèche

Lame de couteau à moissonner. Grotte capitale. Joyeuse. Ardèche

La mouture

Les grains pouvaient être consommés directement ou réduits en farine grâce à une meule et sa molette.

Évocation d’une scène de mouture au Néolithique. Dessin B. Clarys

Meule néolithique. Grotte des Huguenots. Vallon-Pont-d’Arc. Ardèche

Des innovations à l’âge du Bronze

À l’âge du Bronze, dans la continuité d’un processus entamé au Néolithique, il semble que les populations cherchent à se fixer plus durablement sur leur territoire . Pour ça elles ont dû faire évoluer leurs techniques agricoles afin d’exploiter plus longtemps les mêmes parcelles : l’araire permet d’améliorer le labour et la récupération des fumiers animaux a probablement permis de fertiliser la terre.

La conservation

Avec les récoltes, s’est posé le problème de la conservation des grains contre l’humidité, les insectes et les rongeurs. Si des fosses ou des greniers ont pu être aménagés, la fabrication de grandes poteries dites vases-silos a constitué une solution à ce problème. Les poteries de taille plus modestes étaient utilisées comme vaisselle.

Jarre de stockage. Grotte des Bouchets. Grospierres. Ardèche. Photo A. Dubouloz

L’élevage

La domestication

Les animaux domestiques sont issus d’animaux sauvages qui ont été isolés de leur milieu naturel en leur imposant un contrôle de leur reproduction. En l’absence de brassage génétique avec les populations sauvages, ces individus ont rapidement donné naissance à des animaux différents, souvent plus petits que leurs ancêtres et présentant des modifications anatomiques qui permettent de les identifier. Ainsi, une des conséquences de la domestication du sanglier est le raccourcissement du crâne.

Comparaison entre le cochon domestique et le sanglier. Photos F. Prudhomme

Même si sa date d’apparition reste discutée, le chien est indéniablement apparu durant le Paléolithique supérieur à partir de populations de loups asiatiques et européens.

Beaucoup d’animaux domestiques européens sont issus d’animaux sauvages originaires du Proche-Orient : le mouflon est devenu le mouton ; la chèvre aegagre est devenue la chèvre ; l’aurochs est devenu la vache. L’aurochs existait aussi en Europe mais les études génétiques ont montré que les vaches proviennent d’individus domestiqués au Proche-Orient.

Mouflon oriental. Dessin B. Clarys

Chèvre aegagre. Dessin B. Clarys

Auroch. Dessin B. Clarys

Le lait et la viande

Il semble que la motivation première de la domestication était la production de lait qui pouvait être transformé en fromage comme l’atteste la découverte de faisselles en céramique destinées à égoutter et faire sécher les fromages frais.

La production de viande est attestée par les restes osseux. L’étude de ces restes permet parfois de connaître les âges d’abattage et d’en déduire les modalités d’exploitation d’un troupeau : plutôt orienté vers la viande, vers le lait, ou les deux.

Exemple de restes osseux : patte de bison, à gauche et patte de cheval à droite.

Aven de l’Arquet. Barjac. Gard

Classes d’âge de restes d’ovins dans un site archéologique montrant l’abattage préférentiel des jeunes animaux dans le but de fournir de la viande et de stimuler la production de lait

La laine

Plus tard, vraisemblablement dès le milieu du Néolithique, la laine a été utilisée pour produire des tissus . Celle-ci était filée grâce au fuseau lesté d’un anneau en céramique appelé fusaïole .

La traction animale

Certains animaux domestiques ont été utilisés pour leur force motrice comme le montrent des chevilles osseuses de cornes de bœuf, déformées par l’utilisation d’un joug, ainsi que par des phalanges déformées par l’effort de traction, peut-être d’un araire .

Évocation d’une scène de labour au Néolithique final. Dessin B. Clarys

Cheville osseuse d’une corne déformée par la traction du joug

Cheville osseuse d’une corne normale

Élevage et mobilité

Afin de nourrir le troupeau durant les périodes sèches, les bergers devaient le déplacer dans des zones non encore pâturées. Selon l’importance du ou des troupeaux, il fallait parfois parcourir des dizaines de kilomètres. Au cours de ces déplacements, les bergers pouvaient rencontrer des bergers d’autres communautés et pratiquer des échanges de matériaux, de techniques et d’idées diverses. Ces rencontres maintenaient le lien entre des groupes revendiquant un même héritage culturel.

Le feu

Pourquoi le feu ?

La découverte du feu a joué un rôle fondamental dans l’évolution humaine :

· En améliorant l’alimentation car de nombreux aliments, la viande notamment, sont plus digestes lorsqu’ils sont cuits.
· En améliorant la sécurité car il permettait d’éloigner les prédateurs.
· En améliorant la mobilité car il permettait de circuler la nuit et d’explorer les grottes et en permettant l’accès aux contrées froides.
· En améliorant la vie sociale car il permettait de se rassembler après la tombée de la nuit.
· En améliorant la production matérielle : pieux durcis au feu, colles diverses, chauffage du silex qui facilite sa taille , puis plus tardivement : production d’objets en céramique puis en métal .

Origines de la domestication du feu

Les vestiges des premières traces d’utilisation du feu étant très ténus, il est difficile de dater sa première utilisation par l’humanité. Cependant des découvertes en Afrique de l’Est et en Israël laissent penser que celle-ci remonte à près de 800 000 ans.

En Europe de l’Ouest, elle est attestée par la présence d’un foyer dans un site du Paléolithique ancien, daté d’environ 500 000 ans, en France, dans le Finistère. Plus tard, la maîtrise du feu semble acquise par l’ensemble des populations du Paléolithique moyen.

Production par friction

Il existe plusieurs variantes de cette technique (scie à feu, friction longitudinale…) mais la plus simple consiste à faire tourner une baguette de bois contre une planchette. La température de combustion du bois se situant aux alentours de 400 °C, la friction doit être très énergique, c’est pourquoi il est préférable de faire tourner la baguette avec un archet plutôt qu’à la main. La sciure incandescente produite est transférée dans de l’herbe sèche ou des aiguilles de pin afin de produire une flamme.

Production d’une braise par friction. Photo G. Mazille

Passage de la braise à la flamme

Ce matériel laisse peu de traces archéologiques, le plus ancien vestige de briquet à friction a été trouvé dans un lac suisse et est daté d’environ – 3000 ans.

Production par percussion

Contrairement à une idée très répandue, il est impossible d’allumer du feu en frappant deux éclats de silex car le silex n’étant pas combustible, les étincelles produites sont seulement lumineuses, c’est le phénomène de triboluminescence. En revanche en percutant, avec du silex ou une autre roche dure, une roche combustible comme la pyrite ou la marcassite, des sulfures de fer, il est possible de produire des étincelles incandescentes. Comme elles s’éteignent très vite, il faut les récolter sur une matière facilement inflammable comme l’amadou, une fine fibre extraite d’un champignon, l’amadouvier.

Production d’étincelles par percussion. Photo G. Mazille

Amadouvier. Photo George Chernilevsky

Deux étincelles ont allumé deux braises dans l’amadou tapissé au fond du coquillage

Les nodules de marcassite préhistoriques portant des traces de percussions sont rares car ils se décomposent facilement en présence d’oxygène. Cependant, plusieurs sites archéologiques du Paléolithique supérieur en ont livré attestant l’ancienneté du briquet à percussion :

· Grotte de Vogelherd, Allemagne : Aurignacien, environ -28 000 ans

· Laussel, Dordogne : Gravettien : -25 à -18 000 ans

· Trou de Chaleux, Belgique : Magdalénien supérieur, -10 500 ans

Autres moyens de produire du feu

Les dispositifs d’allumage par concentration des rayons lumineux comme les lentilles ou les miroirs concaves n’ont pas pu être mis en œuvre à la Préhistoire.

Le briquet pneumatique qui consiste à allumer un morceau d’amadou en le comprimant dans un cylindre muni d’un piston, tous deux en bois, a été mis en œuvre par une équipe d’archéologue mais n’a jamais été identifié archéologiquement.