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Archéologie

En l’absence de témoignages écrits, les vestiges matériels des populations préhistoriques constituent la source principale d’information sur ce lointain passé. On pratique l’archéologie pour toutes les périodes de l’Humanité, même très récentes, (archéologie industrielle, archéologie de la Grande Guerre…) en complément de la documentation historique mais en ce qui concerne la Préhistoire elle est la base de la connaissance. Cependant, d’autres disciplines comme l’ethnologie, la paléogénétique, les sciences naturelles ou la physique apportent leur contribution.

La démarche archéologique

Le principe général de l’archéologie est de reconstituer des évènements et des modes de vie à partir de vestiges matériels, généralement enfouis dans le sol mais pas toujours.

Fouilleurs en action à la Baume d’Oulen
Photo R. Furestier

 

La fouille est pratiquée très délicatement car certains objets peuvent être très fragiles. De plus, il est impératif d’étudier le matériel en place car sa répartition spatiale donne des informations complémentaires, souvent décisives pour l’interprétation.

Découverte de poteries en surface à la Grotte des Jarres. Montréal. Ardèche
Photo F. Prud’homme

 

Foyer et accumulation d’objets autour d’un espace vide soulignant la limite d’une habitation aujourd’hui disparue sur le site de Pincevent (Seine-et-Marne).

Si la fonction de certains objets peut être évidente, nombre d’outils, en silex notamment, surtout s’ils sont brisés, sont difficiles à interpréter. Dans ce cas c’est l’expérimentation qui vient au secours de l’archéologue : on reproduit l’outil avec les techniques supposées de l’époque et on le teste dans diverses configurations, sur plusieurs matériaux, pour identifier ce qui semble le plus vraisemblable.

Archéologue taillant un outil en silex

Chercheur nettoyant une peau de bison avec un outil en silex

 

L’archéologie préhistorique concerne des populations qui vivaient dans un environnement et dans un contexte social très différent de celui des personnes qui les étudient. Il peut être instructif d’interroger des peuples vivant dans des contextes proches ou, lorsque ces populations ont disparu, les écrits des ethnologues les concernant ; c’est l’ethnoarchéologie.

Éleveurs de rennes en Sibérie. Photo Esioman

 

Pour obtenir le plus d’information possible à partir des vestiges découverts, l’archéologue s’entoure de spécialistes, notamment en sciences naturelles (voir plus bas : l’archéologie, un travail d’équipe).

À la suite de son enquête, l’équipe de fouille proposera des hypothèses sur les comportements qui ont abouti à ce qui est observé. Compte-tenu du côté généralement très fragmentaire de la documentation archéologique, plusieurs hypothèses sont possibles. À la suite de nouvelles découvertes, notamment sur d’autres sites, les hypothèses seront confirmées, invalidées ou corrigées.

En règle générale, l’archéologue préfère explorer des possibles que de chercher la vérité, à jamais inaccessible !

 

Conservation des vestiges et répartition des sites

La conservation des vestiges dépend essentiellement de deux facteurs : leur nature et celle du sol dans lequel ils sont enfouis.
Ainsi, certains matériaux sont dits « périssables » car rarement conservés. C’est le cas de la chair, de la peau, du bois, des fibres végétales ou animales… qui ne se conservent que dans des conditions exceptionnelles dans de fines boues gorgées d’eau par exemple.

Au contraire, les matériaux « tenaces » peuvent se conserver très longtemps mais les objets peuvent être brisés, comme c’est souvent le cas pour les poteries en céramique. Par ailleurs, de nombreux objets étaient « composites », lame en silex et manche en bois par exemple, dans ce cas l’objet retrouvé n’est pas un outil mais un morceau d’outil.

Tessons de céramique

 

 

Fac-similé d’outil composite : lame en pierre polie et manche de bois.

Pirogue en bois néolithique du site de Bercy. Paris. Photo Inrap

 

Outre la nature du sol, les processus géologiques interviennent dans la conservation : une cavité en pays calcaire assure une meilleure conservation qu’un replat sur un versant schisteux. La conservation est maximale dans les zones où prédomine la sédimentation, minimale là où c’est l’érosion qui prime.

Ainsi, la superposition de la carte de répartition des sites archéologiques et de la carte géologique montre une forte concentration des sites dans les parties sédimentaires de l’Ardèche, plutôt de basse altitude, au détriment des zones cristallines, plus élevées.

La faible altitude et la présence de cavités naturelles pouvant servir d’abris a probablement conduit les populations préhistoriques à préférer le sud-est de l’Ardèche mais leurs vestiges s’y sont aussi mieux conservés. Quelle est la part de ces deux phénomènes dans la répartition actuelle des sites ? Dans l’état actuel des connaissances, il est impossible de répondre à cette question.

 

L’archéologie, un travail d’équipe

Aux côtés du responsable de fouille et des fouilleurs, divers spécialistes étudient les vestiges pour en tirer le maximum d’information.

L’étude des objets créés par l’homme :

Le lithicien étudie les objets en silex

Le tracéologue étudie les traces d’utilisation ou de fabrication présentes sur les outils

Le céramologue étudie les objets en céramique

Photo au microscope du tranchant d’un outil en silex ayant servi à racler de l’os. Photo E. Claud.

L’étude des vestiges naturels :

• L’anthropologue étudie les restes humains pour déterminer l’âge des défunts, leur sexe, leur état de santé, les relations entre différentes populations, les pratiques funéraires… Bien-sûr le nombre et la qualité des résultats dépendent de l’état de conservation des squelettes. En particulier, depuis quelques dizaines d’années, les anthropologues peuvent compter sur les paléogénéticiens qui étudient l’ADN de lointains ancêtres lorsque celui-ci est conservé.

• Le paléontologue étudie les restes animaux pour en tirer des conclusions sur l’évolution des faunes, notamment en lien avec les variations climatiques

• L’archéozoologue étudie lui aussi les restes animaux mais dans le cadre de leur relations avec l’homme : espèces et âge des proies, saison de chasse, domestication… 

• Le carpologue étudie les fruits et les graines qui se sont parfois conservées afin de connaître l’environnement naturel et les pratiques alimentaires.

• Le palynologue étudie les grains de pollen fossiles. Dotés d’une coque extrêmement résistante, l’exine, ils peuvent se conserver très longtemps. Or l’étude des grains de pollen permet de reconstituer la végétation, donc d’avoir des informations d’ordre climatique. Cependant ils informent aussi sur les comportements humains : collecte de végétaux, domestication des plantes….

• L’anthracologue étudie les charbons de bois pour connaître les essences forestières poussant à proximité du site étudié et, parfois, celles qui ont été choisies par les hommes préhistoriques pour alimenter leurs feux.

• Le malacologue étudie les coquilles de mollusques qui donnent des informations sur l’environnement et sur les pratiques alimentaires.

Dessin représentant un squelette de renne avec, en grisé, les parties retrouvées dans un site archéologique.

 

Grains de pollen de buis et de pin. Photos J. Argant

 

L’étude du contexte géologique

Si l’essentiel de l’information provient des vestiges trouvés dans les couches archéologiques, ces dernières ont aussi une histoire à raconter, décryptée par le sédimentologue et le géomorphologue qui étudient, respectivement, la nature des sédiments et la géométrie des dépôts. Ils pourront ainsi reconstituer finement les conditions de formation du site archéologique qui dépendent de l’environnement et des comportements humains. Ils pourront aussi déceler des « pièges » qui peuvent conduire à des biais d’interprétation ou des erreurs de datations : couches non continues, déplacements de sédiments, migration d’éléments entre strates…

Couches de sédiments de la fouille de la Baume de Ronze (Ardèche)
Photo A. Dubouloz

Après la fouille

La fouille archéologique prend tout son sens si les résultats sont mis à disposition du public : c’est le rôle des musées d’archéologie comme la Cité de la Préhistoire. Cependant nombre d’objets doivent être restaurés ou préparés avant leur mise en vitrine.

En général, les objets présentés au public ne représentent qu’une petite partie de la collection d’objets conservés au musée. Les réserves de la Cité de la Préhistoire par exemple contiennent plusieurs centaines de milliers d’objets issus de fouilles en Ardèche et dans le nord du Gard.

Comme son nom l’indique, le conservateur ou la conservatrice a pour mission de conserver le matériel dans de bonne conditions afin qu’il puisse être étudié à tout moment par des chercheurs ou des étudiants. Température et hygrométrie sont notamment surveillées et ajustées pour éviter la dégradation des matériaux sensibles comme l’os ou le métal.

Mais au-delà de la conservation, un important travail d’identification, d’enregistrement, de classement et de saisie numérique doit permettre un accès rapide à n’importe quel objet ou lot d’objet.

Nettoyage d’anciennes traces de colle sur un objet en os. Photo F. Prudhomme

 

Les réserves de la Cité de la Préhistoire. Photo F. Prudhomme

 

Extrait de l’inventaire des collections de la Cité de la Préhistoire

 

Les datations

À la question, « que s’est-il passé ? » L’archéologue adjoint toujours celle-ci : « quand cela s’est-il passé ? »

Les méthodes de datation se divisent en deux catégories : les datations relatives et les datations absolues.

Dans le premier cas, il s’agit d’ordonner les évènements les uns par rapport aux autres. Le géomorphologue joue un rôle capital car il révèle la séquence de formation des différentes strates et autres items : stalagmites, fentes de gel, glissements de terrains, terriers d’animaux fouisseurs… On peut aussi faire des datations relatives en connaissant, dans une aire géographique donnée, l’évolution culturelle. Ainsi les changements dans les techniques de taille de silex ou dans les styles des pots en céramique conduisent à des assemblages d’objets caractéristiques de périodes bien définies.

Dans le second cas, il s’agit de connaître directement l’âge d’un objet naturel ou fabriqué par l’homme.

La dendrochronologie utilise les cernes de croissance des arbres vivants ou morts, dont l’épaisseur dépend des conditions climatiques, pour établir une échelle à laquelle pourra être comparée la succession de cernes d’un bois ancien. Chaque zone climatique doit avoir sa propre échelle. À cause de la faible capacité de conservation du bois, cette méthode est utilisée en préhistoire récente et pour les périodes historiques.

Schéma montrant les différentes étapes de réalisation d’une séquence dendrochronologique de référence

 

Dendrochronologie mise à part, les datations absolues sont le domaine des physiciens car elles exploitent le plus souvent la radioactivité naturelle. En effet, les éléments radioactifs se désintègrent à une vitesse connue et régulière. Par exemple, la quantité de Carbone 14 (14C) dans un morceau de charbon de bois diminue de moitié tous les 5730 ans par transformation en azote (14N). L’activité résiduelle d’un échantillon comparée à celle du bois vivant actuel permet donc de connaître la date de sa mort, c’est-à-dire le moment où il a cessé de renouveler son stock de 14C en puisant dans l’atmosphère. Différentes méthodes sont utilisées en fonction de l’âge supposé et du matériau à dater : Le carbone 14 ne permet de dater que des matières carbonées vieilles de moins de 50 000 ans ; le couple uranium/thorium permet de dater les concrétions calcaires (stalagmites et stalactites par exemple) jusque vers -500 000 ans. En géologie, le potassium/argon permet de remonter aux origines de la Terre, il y a plus de 4 milliards d’années !

 

Schéma montrant la décroissance du taux de carbone 14 dans les restes d’un organisme.

Lors de son vivant, son taux de carbone 14 était stable car renouvelé en permanence par l’alimentation.

 

L’archéologie préventive

En France métropolitaine, environ 700 km2 sont aménagés chaque année. Des vestiges des populations passées sont mis au jour par les labours profonds, les constructions urbaines, les voies de transport et les extractions de matériaux.
Afin de pouvoir étudier ces vestiges et en tirer le maximum d’informations sur notre passé, des opérations d’archéologie préventive sont menées avant le commencement des travaux.
Des diagnostics sont prescrits par les services régionaux d’archéologie selon la sensibilité archéologique du terrain et/ou de la surface concernée par les travaux.

Tranchées de diagnostic sur le tracé d’une ligne TGV. Photo Inrap

 

Si le diagnostic est positif et que les vestiges présentent un réel intérêt scientifique, une fouille est engagée par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ou par le service archéologique d’une collectivité locale ou par une entreprise privée agrée par l’État.

Lorsque la fouille est achevée, les travaux d’aménagement peuvent commencer. Mais le travail des archéologues est loin d’être terminé ! Les objets, plans, relevés et photographies sont étudiés par divers spécialistes. Le rapport final de fouille, conclusion de l’ensemble de ce travail, constitue la mémoire du site disparu. Celle-ci sera restituée au public par diverses actions pédagogiques : expositions, plaquettes, site internet, conférences, interventions en milieu scolaire qui permettrons à nos sociétés de mieux connaître leur passé et d’en tirer les enseignements nécessaires pour mieux vivre leur présent et préparer leur avenir.
https://www.inrap.fr/
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L’archéologie préhistorique en Ardèche

L’Ardèche méridionale et le nord du Gard livrent des vestiges préhistoriques depuis la fin du XIXe siècle c’est en effet dans les gorges de l’Ardèche, à la grotte Chabot, que, pour la première fois, des gravures représentant des animaux ont pu être associés de manière indiscutable à une occupation du Paléolithique supérieur.

Paroi ornée de mammouths dans la grotte Chabot à Aiguèze. Gard. Photo N. Aujoulat.

 

Recelant le plus ancien gisement archéologique du bassin du Rhône (site d’Orgnac 3 à Orgnac ; -350 000 ans), une des grottes ornées les plus anciennes au monde (grotte Chauvet – Pont d’Arc à Vallon-Pont-d’Arc ; -35 000 ans) ainsi que de nombreux sites s’étalant du Paléolithique ancien à l’âge du Fer, dont plus de huit cents dolmens, l’Ardèche fait figure de haut lieu de la Préhistoire en France, au même titre que la Dordogne ou les Pyrénées.

Cependant, cette richesse est inégalement répartie comme le montre la répartition des sites archéologique sur une carte géologique. (voir plus haut  : conservation des vestiges et répartition des sites)