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Climat et environnement

De longue date, les préhistoriens ont cherché à reconstituer l’environnement des populations qu’ils étudiaient. Moins affranchis des conditions naturelles que les hommes actuels, les modes de vie des populations préhistoriques devaient être fortement influencés par leur environnement. Comprendre l’homme préhistorique nécessite donc de connaitre son environnement. En lien avec l’évolution des sciences naturelles, les études paléoenvironnementales se sont donc largement développées, devenant une discipline à part entière qui nous aide aussi à mieux comprendre l’évolution des climats futurs.

Les changements climatiques

L’origine des changements climatiques

On retrouve des traces de variations du climat vieilles de plus d’un milliard d’année mais ce sont les changements climatiques du Quaternaire, depuis 2 millions d’années, qui sont les mieux connus. Nombre de facteurs influencent le climat :

Les changements des paramètres orbitaux que sont l’excentricité de l’orbite ainsi que la valeur et la direction de l’inclinaison de l’axe terrestre impliquent des variations de l’énergie solaire reçue par les deux hémisphères au cours de l’année. La position des continents à la surface du globe amplifie ou annule ces variations. Depuis l’Ère tertiaire, les continents sont majoritairement situés dans l’hémisphère nord. Ceux-ci ne redistribuant pas la chaleur comme le font les océans, un excès d’insolation dans l’hémisphère nord se traduit par un réchauffement global de même qu’un déficit entraine un refroidissement global. Ces variations globales se limitent à quelques degrés mais les variations locales sur les continents ont des amplitudes bien plus élevées. Certains phénomènes peuvent amplifier les variations, notamment la formation de calottes glaciaires continentales (ou inlandsis) qui réfléchissent la lumière solaire, et la modification de courants océaniques qui véhiculent de la chaleur d’un point à l’autre du globe.

Les êtres vivants jouent aussi un rôle en contrôlant le taux de CO2 dans l’atmosphère qui contrôle lui-même l’effet de serre. Par exemple, le taux de CO2 a fortement baissé à la fin de l’Ère primaire sous l’effet du développement des grandes forêts du Carbonifère, entrainant un épisode glaciaire. Actuellement, les activités humaines, en augmentant la concentration de CO2, conduisent à un réchauffement dont la rapidité est inédite.

Courbe présentant les variations de température moyenne globale, comparées à la température moyenne actuelle

 

Comment reconstituer les climats

Les dispositifs d’enregistrement direct des données climatiques, la température notamment, ne sont apparus qu’au cours du XIXe siècle. Pour les périodes antérieures, il faut étudier les vestiges de tout ce qui peut être influencé par le climat : faune, flore, roches, air emprisonné dans les glaces, rapports isotopiques de certains atomes.

 

Faune et flore

Les plantes et animaux sont plus ou moins inféodés à un type de climat mais certains groupements d’espèces sont caractéristiques de conditions climatiques bien précises. Les animaux sont étudiés par leurs restes osseux. Les carnivores sont souvent peu discriminants car capables de s’adapter à des climats différents. Au contraire, les micromammifères, rongeurs et insectivores, sont très utilisés pour les reconstitutions environnementales.

Les parties végétatives des végétaux se conservent exceptionnellement, hormis sous forme de charbon de bois. Ce sont essentiellement les graines et surtout les grains de pollens qui permettent de reconstituer la végétation, bonne indicatrice des climats passés.

On veille à étudier des sites sans occupation humaine car celle-ci peut modifier la composition faunistique et floristique en sélectionnant des animaux et des plantes dans le milieu naturel. Les tourbières sont notamment des sites de choix pour l’étude des grains de pollens.

Lot d’ossements de micromammifères

 

Grains de pollen de buis, genévrier et chêne vert. Photos J. Argant

 

La glace

Les immenses glaciers de montagne qui ont englacé les reliefs ou les calottes glaciaires du nord de l’Europe ont laissé des traces dans les roches qu’ils ont rabotées, sous forme de polis et de stries caractéristiques. Ils ont aussi laissé des moraines, accumulations de roches arrachées au substrat, sur les côtés ou en avant des langues glaciaires. Elles délimitent les avancées maximales des glaciers.

La formation de glace dans les fissures des roches est à l’origine d’épais dépôts de petits cailloux anguleux, les cryoclastes, au pied des parois rocheuses.

Les pergélisols

Lors de périodes glaciaires, le sol gèle profondément en hiver et ne dégèle qu’en surface durant   l’été. Ces sols gelés en permanence (d’où leur nom) acquièrent une structure polygonale caractéristique qui perdure après la période froide.

 Accumulation de cryoclastes dans le porche d’entrée d’une grotte des gorges de l’Ardèche

 

Sol polygonal fossile encore visible dans la végétation (champ vert). Photo Laurent Bruxelles/INRAP

 

Les isotopes de l’oxygène

Le noyau d’un atome est constitué de protons et de neutrons. Le nombre de protons détermine l’élément : 1 proton pour l’hydrogène, 6 protons pour le carbone… En revanche le nombre de neutrons ne change pas le comportement chimique de l’atome. Ainsi l’oxygène (8 protons) peut contenir 8 neutrons (O16, le plus courant), 9 neutrons (O17) ou 10 neutrons (O18). Une molécule d’eau composée d’O18 est plus lourde qu’une molécule d’eau composée d’O16 ; elle s’évapore donc plus difficilement et condense plus facilement. La vapeur d’eau se trouve donc appauvrie en O18 et s’appauvrit un peu plus à chaque pluie. La pluie qui tombe sur les continents a donc un rapport O18/O16 plus faible que celui des eaux océaniques, d’autant plus faible que la température atmosphérique est basse.

Les paléotempératures peuvent être reconstituées en effectuant des prélèvements dans les calottes glaciaires et en mesurant le rapport isotopique de la glace. Ainsi, les programmes de carottages glaciaires menés depuis les années 1960 ont permis d’établir des courbes des paléotempératures depuis 800 000 ans.

Faune et flore durant les périodes glaciaires

La plupart des espèces animales et végétales présentes dans nos contrées lors des dernières époques glaciaires le sont encore aujourd’hui en altitude ou dans les hautes latitudes. C’est ainsi que lors du dernier maximum glaciaire, il y a environ 20 000 ans, une part importante de l’Europe de l’ouest non recouverte de glace était peuplée de rennes, de bisons, de bouquetins et de chevaux sauvages.

Renne. Dessin B. Clarys

 

Bison. Dessin B. Clarys

Bouquetins. Dessin B. Clarys

 

Évocation d’un paysage du sud de l’Ardèche durant le dernier maximum glaciaire. Dessin B. Clarys

 

Certaines espèces ont disparu à la fin de la dernière époque glaciaire : le cerf mégacéros qui aurait survécu quelques milliers d’années en Irlande, le mammouth qui s’est maintenu jusque vers – 2000 ans, sous une forme naine, dans une ile de Sibérie, le rhinocéros laineux, disparu entre -8000 et – 10 000 ans, et l’ours des cavernes disparu en Europe de l’ouest vers – 10 000 ans. Les hyènes et lions des cavernes ont aussi disparu mais il ne s’agissait que de sous-espèces des espèces actuelles.

Mégacéros. Dessin B. Clarys

Ours des cavernes. Dessin B. Clarys

Mammouth. Dessin B. Clarys

 

Tous ces animaux évoluaient dans des paysages diversifiés mais globalement beaucoup moins boisés que durant les périodes tempérées. La formation végétale la plus répandue était la steppe, dominée par les plantes herbacées (graminées, armoise, composées…) parsemée d’arbres et d’arbustes résistants au froid comme le pin sylvestre et le genévrier. Certaines zones bien abritées et bien exposées comme la base des parois rocheuses de la rive gauche des gorges de l’Ardèche ont pu servir de refuge à des plantes moins résistantes au froid. Ces refuges ont vraisemblablement servi de points de départ pour la reconquête de la forêt durant les épisodes plus tempérés.

Armoise. Dessin B. Clarys

 

Pin sylvestre. Dessin B. Clarys

Les steppes périglaciaires sont considérées comme des écosystèmes « spécialisés » contenant un grand nombre d’individus appartenant à un nombre limité d’espèces adaptées au facteur limitant, ici le froid.

Faune et flore durant les périodes tempérées

Durant les périodes tempérées, en particulier la dernière en date qu’on appelle Holocène, la forêt colonise la steppe, les glaciers de montagne et les calottes glaciaires reculent fortement en libérant de nouveaux espaces habitables et en faisant monter le niveau des océans qui ennoient les zones littorales.

Le même point de vue durant une époque glaciaire et durant une époque tempérée. Dessin K. Bazot.

Les espèces animales adaptées au froid disparaissent ou migrent, comme le renne qui colonise les hautes latitudes au fur et à mesure du recul de l’inlandsis. Elles sont remplacées par les espèces forestières actuelles, sanglier, lièvre….

Sanglier et lièvre actuels naturalisés

Cerf et biche. Dessin B. Clarys

 

Lynx actuel naturalisé

Aux écosystèmes spécialisés des époques glaciaires font suite des écosystèmes « diversifiés » où les espèces sont plus nombreuses mais présentent un nombre d’individus plus réduit : les grands troupeaux de rennes ou de bisons laissent la place à de petites hardes de cerfs et de chevreuils.
Ces changements auront bien sûr des conséquences sur la mobilité des populations humaines et sur leurs techniques de chasse .

L'homme face aux changements climatiques

Si l’humanité est apparue en Afrique de l’Est, dans une zone climatique chaude, les premières migrations vers des contrées plus fraiches ont eu lieu entre 1,7 et 1,2 millions d’années. Il semble qu’à cette époque les premières populations humaines européennes restent cantonnées dans des zones méridionales, en Géorgie et en Espagne.

Plus tard, vers – 500 000 ans, probablement suite à une deuxième vague de migration, le genre humain commence à gagner des latitudes plus élevées y compris durant les phases froides. Cette « colonisation » des parties plus septentrionales de l’Europe se fait au prix d’une lente adaptation biologique et culturelle qui aboutira à l’homme de Neandertal.

Plus tard, entre -100 000 an et – 40 000 ans, les hommes anatomiquement modernes, issus d’une nouvelle vague de migration depuis l’Afrique orientale, se répandent rapidement en Asie et en Europe dans des territoires déjà occupés par les néandertaliens. Il est probable que ces nouveaux arrivants aient bénéficié d’un métissage biologique et culturel avec les néandertaliens qui leur auraient transmis des gènes et des techniques pour s’adapter plus facilement à leurs nouvel environnement.

L’environnement pèse fortement sur les comportements des communautés humaines (mobilité, habitat, stratégies de subsistance…) qui restent néanmoins largement influencés par les codes culturels et le poids des traditions.

L’évolution technique quant à elle vise le plus souvent à s’affranchir des contraintes de l’environnement, notamment du climat, par l’utilisation du feu , des vêtements et des habitations … L’agriculture et l’élevage alliées au stockage a permis de se libérer partiellement des rythmes saisonniers pour son alimentation .

L’homme modifie son environnement

L’impact des populations de chasseurs cueilleurs paléolithiques sur l’environnement est difficile à déceler. On leur fait parfois porter une part de responsabilité dans la disparition des grands mammifères de la dernière époque glaciaire   comme le mammouth ou le rhinocéros laineux. Cependant la rareté des restes de ces animaux dans les rejets alimentaires rend cette hypothèse assez peu crédible.

En revanche, l’impact des populations d’agriculteurs du Néolithique est perceptible autant sur la végétation que sur les espèces animales. Par la domestication, certains nouveaux animaux sont apparus. D’autres ont disparu comme certaines espèces endémiques insulaires méditerranéennes qui n’ont pas résisté à la chasse, à la dégradation de leur milieu naturel et à l’importation de nouvelles espèces, sauvages ou domestiques.

L’impact le plus spectaculaire est la lente régression de la forêt, dès le milieu du Néolithique, identifiable par l’analyse des pollens conservés dans les sédiments. Les spectres polliniques montrent en effet une régression des arbres au profit d’arbustes et de plantes herbacées qui repoussent sur les zones défrichées puis abandonnées. En zone méditerranéenne, ceci conduit à des végétations emblématiques du Midi de la France : la garrigue sur roches calcaires et le maquis sur roches siliceuses.

Forêt d’Ardèche méridionale sur substrat calcaire
Photo C. Donin

Garrigue d’Ardèche méridionale